La Tentative de Médiation Familiale Obligatoire (TMFPO)
Qu’est ce que la TMFPO, ou tentative de médiation familiale préalable obligatoire dans les procédures devant le Juge aux Affaires Familiales? Par Mathilde MOREAU, avocat associée au cabinet IPSO FACTO AVOCATS à NANTES
L’article 7 de la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 portant modernisation de la justice du XXIème siècle prévoit un aménagement des règles de procédure en matière familiale :
« A titre expérimental et jusqu’au 31 décembre de la troisième année suivant celle de la promulgation de la présente loi, dans les tribunaux de grande instance désignés par un arrêté du garde des sceaux, ministère de la justice, les dispositions suivantes sont applicables, par dérogation à l’article 373-2-13 du code civil.
Les décisions fixant les modalités de l’exercice de l’autorité parentale ou la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant ainsi que les stipulations contenues dans la convention homologuée peuvent être modifiées ou complétées à tout moment par le juge, à la demande du ou des parents ou du ministère public, qui peut lui-même être saisi par un tiers, parent ou non.
A peine d’irrecevabilité que le juge peut soulever d’office, la saisine du juge par le ou les parents doit être précédée d’une tentative de médiation familiale, sauf :
1° Si la demande émane conjointement des deux parents afin de solliciter l’homologation d’une convention selon les modalités fixées à l’article 373-2-7 du code civil ;
2° Si l’absence de recours à la médiation est justifiée par un motif légitime ;
3° Si des violences ont été commises par l’un des parents sur l’autre parent ou sur l’enfant. »
Par arrêté du 16 mars 2017, le Ministre de la Justice a notamment désigné le TGI de Nantes (ainsi que 10 autres TGI, dont celui de Rennes) pour mettre en œuvre cette expérimentation, laquelle est désormais totalement effective depuis le 1er janvier 2018 devant le Juge aux Affaires Familiales du TGI de Nantes.
Concrètement, cela signifie que pour toutes les nouvelles saisines du Juge aux Affaires Familiales dans les situations dans lesquelles il existe déjà une décision antérieure fixant les modalités d’exercice de l’autorité parentale et/ou une contribution alimentaire (jugement de divorce, y compris par consentement mutuel, jugement ou ordonnance concernant des enfants nés hors mariage, jugement ou ordonnance après divorce, etc…), il faut avant tout procéder à une tentative de médiation familiale.
Sont donc notamment exclus du dispositif les premières saisines du Juge, les requêtes en divorce, les demandes de délégation de l’autorité parentale, les procédures relatives aux conséquences patrimoniales du divorce, etc…
Pour ces procédures, il n’est donc pas nécessaire pour saisir le Juge de justifier d’une tentative de médiation familiale préalable.
Pour les autres, à défaut de pouvoir justifier que cette tentative a été effectuée avant le dépôt de la requête ou la délivrance de l’assignation, la saisine du Juge aux Affaires Familiales pourra être déclarée irrecevable.
Cela signifie donc que le Juge pourra se considérer comme non valablement saisi et ne rendra alors aucune décision.
La procédure devra dans ce cas être recommencée depuis le début par une nouvelle saisine, après TMFPO.
Cette sanction de l’irrecevabilité ne s’appliquera cependant pas si l’une ou l’autre des parties, voire les deux, justifient se trouver dans l’un des cas d’exclusion prévus par la loi.
C’est notamment le cas en matière de violences conjugales ou de violences commises contre le ou les enfants.
A la demande de certains sénateurs, le Conseil constitutionnel a été amené à se prononcer sur les critères envisagés par la loi du 16 mars 2017 relative à la médiation familiale préalable obligatoire.
Dans sa décision n°2016-739 du 17 novembre 2016, en son point 24, le Conseil constitutionnel a ainsi précisé :
« En adoptant l’article 6, le législateur n’a pas entendu subordonner l’interdiction faite au juge aux affaires familiales d’enjoindre aux parents de recevoir une information sur l’objet et le déroulement d’une mesure de médiation en cas de violences intrafamiliales à la condition que ces violences aient donné lieu à une condamnation pénale ou au dépôt de plainte. Il n’a pas davantage entendu dispenser les parents séparés de faire une tentative de médiation dans ces seules hypothèses. Il appartiendra donc au juge d’apprécier la réalité des violences pour l’application du troisième alinéa de l’article 373-2-10 du Code civil et du 3° de l’article 7 de la loi déférée. »
Cette réponse constitutionnelle permet de considérer que même en l’absence de poursuites pénales, voire de dépôt de plainte, l’existence de violences pourrait être retenue par le Juge pour justifier qu’il ne soit pas imposé à l’un des parents victime de violences de se trouver en présence de l’auteur desdites violences dans le cadre d’une médiation familiale.
Il peut également être justifié d’un motif légitime entraînant une dispense d’effectuer une tentative de médiation familiale préalable obligatoire lorsque les domiciles des parties sont situés à une distance trop importante pour rendre possible la médiation familiale (laquelle suppose généralement l’organisation de plusieurs rendez-vous communs au sein des locaux du service de médiation).
Cette distance géographique importante est spécifiquement visée comme motif légitime par le gouvernement dans ses travaux de présentation de la loi de modernisation de la justice du XXIème siècle.
Bien que la distance géographique soit laissée à la libre appréciation du Juge, il est possible de supposer qu’il faille justifier d’un éloignement d’au moins 100 km pour être dispensé de TMFPO.
Enfin, il va de soi que lorsque les parties se sont déjà mises d’accord sur les mesures qu’elles souhaitent simplement faire homologuer par le Juge aux Affaires Familiales dans le cadre d’une démarche conjointe, il n’y a pas obligation de justifier de l’engagement d’une tentative de médiation familiale préalable.
En dehors des cas où la loi rend désormais obligatoire la tentative de médiation familiale préalable avant engagement d’une nouvelle procédure judiciaire, il existe bien des situations dans lesquelles la médiation familiale engagée volontairement par les parties peut permettre de résoudre tout ou partie des désaccords, y compris dans le cadre d’un divorce autre que par consentement mutuel, voire même en matière patrimoniale (succession, liquidation de régime matrimonial, etc …).