En l’absence de règlement intérieur, l’employeur ne peut pas sanctionner un salarié
La Cour d’appel de RENNES a récemment prononcé l’annulation d’un avertissement notifié à un salarié alors que l’employeur n’avait pas établi de règlement intérieur. Par Nicolas BEZIAU, avocat associé au sein du cabinet IPSO FACTO AVOCATS à NANTES.
Le Cabinet IPSO FACTO AVOCATS est situé à NANTES. Ses membres conseillent et assistent particuliers, professionnels et institutionnels notamment en droit des personnes, de la famille et de leur patrimoine, en droit du travail et de la protection sociale, en droit immobilier.
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Le règlement intérieur est obligatoire dans certaines entreprises
Le règlement intérieur est un document obligatoire dans les entreprises ou établissements où sont employés habituellement au moins 20 salariés.
Il fixe les règles de sécurité et de discipline dans l’entreprise :
« Le règlement intérieur est un document écrit par lequel l’employeur fixe exclusivement:
1°) Les mesures d’application de la réglementation en matière de santé et de sécurité dans l’entreprise ou l’établissement, notamment les instructions prévues à l’article L. 4122-1;
2°) Les conditions dans lesquelles les salariés peuvent être appelés à participer, à la demande de l’employeur, au rétablissement de conditions de travail protectrices de la santé et de la sécurité des salariés, dès lors qu’elles apparaîtraient compromises;
3°) Les règles générales et permanentes relatives à la discipline, notamment la nature et l’échelle des sanctions que peut prendre l’employeur ».
Le règlement intérieur ne peut être introduit dans l’entreprise qu’après avoir été soumis à l’avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel ainsi que, pour les matières relevant de sa compétence, à l’avis du CHSCT.
Le contrôle de la validité du règlement intérieur peut donc porter tant sur son contenu que sur sa forme (respect des règles de consultation et de publication).
Le défaut de règlement intérieur interdit toute sanction disciplinaire autre que le licenciement pour faute
Dans un arrêt rendu le 7 septembre 2016, la Cour d’appel de RENNES a annulé un avertissement notifié à un salarié au motif que l’employeur n’avait pas établi de règlement intérieur conformément aux dispositions légales.
CA Rennes 7 septembre 2016 n° 14/04110
Pour sa défense, l’employeur faisait valoir que la sanction litigieuse n’était qu’un simple avertissement, sans conséquence immédiate pour le salarié.
Argument rejeté par la Cour d’appel de RENNES dès lors que le règlement intérieur est le support juridique obligatoire de toute sanction disciplinaire autre que le licenciement.
Les juges ont donc logiquement prononcé l’annulation de l’avertissement (et alloué 1 000 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral dont le salarié faisait état).
Ce principe n’est pas nouveau
Cette décision suit la ligne tracée par la Cour de cassation depuis plusieurs années : seule une sanction prévue par le règlement intérieur peut être prononcée par l’employeur.
En effet, puisque le règlement intérieur doit « fixer les règles générales et permanentes relatives à la discipline, notamment la nature et l’échelle des sanctions que peut prendre l’employeur » (article L. 1321-1 du Code du travail), ce dernier ne peut prononcer une sanction qu’à la condition que celle-ci soit prévue par le règlement.
Cette restriction du pouvoir disciplinaire de l’employeur ne concerne que les situations dans lesquelles le règlement intérieur est obligatoire : seuls sont donc concernés en l’état les employeurs dont l’effectif salarié est d’au moins 20 salariés.
Lorsqu’une sanction disciplinaire, même un « simple » avertissement » est pris alors que l’employeur n’a pas mis en place un règlement intérieur, le salarié sanctionné peut la contester et en demander l’annulation judiciaire.
Une limite toutefois à cette restriction : l’employeur conserve le droit de prononcer un licenciement disciplinaire (pour faute simple, grave ou lourde).
Le droit pour l’employeur de licencier un salarié trouve en effet un fondement juridique indépendamment de tout règlement intérieur puisqu’il est inscrit dans la loi :
« Le contrat de travail à durée indéterminée peut être rompu à l’initiative de l’employeur (…) dans les conditions prévues par les dispositions du présent titre ».
Article L.1231-1 du Code du travail
Attention cependant : certaines conventions collectives prévoient qu’un licenciement disciplinaire ne peut être notifié qu’à la condition que le salarié ait déjà été sanctionné.
On imagine donc le risque que représenterait, dans le cas d’un tel licenciement, l’annulation de la sanction préalable faute de règlement intérieur régulièrement établi !
L’arrêt de la Cour d’appel de RENNES doit donc inciter les employeurs soumis à l’obligation d’établir un règlement intérieur, mais qui ne l’auraient pas déjà faire, à agir urgemment… sauf à renoncer à la possibilité de sanctionner.